Fucked up again

Ah, here comes troubles but you can't look away ; mmm, gonna give you heaven and hell now. • « Fuck. » Ses lèvres charnues avaient murmuré ces mots d’une rare finesse tandis qu’elle avait repris une bouffée d’air, son cerveau tournant à toute allure à l’annonce de la nouvelle. Fuck. Oui. Parce que ce qu’elle avait craint le plus dernièrement avait fini par arriver. Avait-elle eu le choix ? Evidemment que non. C’était bien pour cela qu’elle se tenait là à présent, avec cette maudite île du diable en vue, ses mains tirant sur les manches de sa veste, ses ongles lui rentrant dans la peau, rendant la moitié de ses tripes par intermittence tout en priant pour un quelconque miracle qui ne viendrait évidemment pas. Oh, qu’elle aurait aimé faire demi-tour. Mais puisque c’était un ordre de Fingal, voilà un luxe qu’elle ne possédait plus - depuis longtemps.

Pour remettre le contexte, voilà trois semaines à peine qu’elle avait laissé son frère à la croisée des chemins - avec en mains l’adresse où il pourrait retrouver la meute. La famille. Complète ou presque, il ne manquait plus que Murphy et elle. Elle qui était pourtant retournée, la mort dans l’âme, auprès de celui qui avait en main sa laisse en fer, sans pouvoir expliquer plus à son jumeau - à sa vie - pourquoi elle lui tournait le dos. Pourquoi elle les fuyait alors que ses atomes hurlaient de le suivre, de ne pas le laisser, de ne pas partir. En son corps, elle savait pourtant. L’heure de la libération approchait. Comment pouvait-il en être autrement ? Son frère était de retour et, pire, elle avait désormais quelque chose de plus à protéger dont elle se serait bien passé - car si elle n’avait rien voulu entendre au départ, il avait bien fallu se rendre à l’évidence. Laz’ ne lui aurait de toute façon jamais menti à ce sujet et elle devait bien avouer avoir été malade à crever - bien que les nausées tendaient à s’espacer à présent.

« Avec un peu de chance, on échangera trois mots et ça sera terminé. » Elle marmonne, une de ses mains descendant sur son ventre alors même qu’elle ne croit pas un foutu mot de ce qu’elle peut baragouiner. La dernière fois qu’elle l’avait vu, la mission n’avait pas duré plus d’un mois et, en rentrant, elle s’était prise le luxe de quelques jours de vacances où elle lui avait montré l’étendue de ses capacités de persuasion plusieurs nuits de suite. Elle aurait peut-être réfléchi un peu plus si elle avait su ce qui l’attendait au tournant. Quoi que. Arkady était ce genre de personnes mystérieuses, magnétiques et dangereuses vers lesquelles elle se retrouvait attirée comme un aimant et qu’elle haïssait pour ce fait. Parce que c’était bien plus facile de prétendre détester quelqu’un pour cacher quelque chose de plus terrible encore - le genre d’émotions dégoulinantes qui collaient à la peau avec une promesse de mort imminente de ses neurones et qui la rendaient docile, anxieuse, mièvre et complètement stupide. Et si Riley était bien des choses, elle n’était certainement désespérée à ce point. Pas encore, du moins.

« Merci. » Elle murmure en croassant, descendant finalement de cette embarcation de fortune de l’enfer qui l’a menée jusque-là. Le pauvre marin avait dû l'entendre pester tout du long de la traversée car, depuis bien deux mois maintenant, elle n’avait plus le luxe de pouvoir se changer en chien pour pioncer le temps de la traversée. Gentil, il lui avait proposé de l’eau mais rien qu’à l’idée de devoir avaler quelque chose l’avait rendue plus malade encore qu’habituellement. Au moins, ce calvaire-là était fini. Commençait le réel périple jusqu’en enfer. Plissant des yeux tandis que la nuit s’efface, elle inspire l’air du large avant de grimacer et se mettre en route, sans hésitation aucune, tournant le dos à l’aube. C’était bien mieux comme ça. L’île du Man restait peu habitée et, pour ce genre de transaction, mieux valait faire profil bas.

Elle ne met pas longtemps à arriver. Mue à l’instinct, elle a déjà parcouru le terrain assez souvent en deux ans pour ne pas se tromper de route. Et puis, les odeurs ne mentent pas. Fatiguée de par sa nuit blanche, elle ne fait pourtant pas attention comme elle devrait, bien trop contente de n’avoir croisé de chat noir. Même si elle avoue sans mal apprécier les sorcières qui peuplent le coin - ces petites vieilles font des biscuits à tomber et sont passées maîtres dans l’art des gratouillis derrière les oreilles - moins elle croisera de monde, plus vite elle pourra s’échapper. De ce qu’elle croit. Elle aurait dû pourtant le savoir. Mais, sachant qu’il l’attendait, fatiguée, affamée et ne rêvant que de repartir en courant, elle ne s’est pas assez méfiée. Finalement, la dégénérescence cellulaire de son cerveau est peut-être déjà en train de faire effet et c’est bien trop tard pour changer quoi que ce fut à ce sujet. Dans tous les cas, c’est un couinement étranglé qui sort d’entre ses lèvres tandis qu’elle sent la magie se refermer sur elle, ses pieds ayant à peine effleuré le plancher après avoir poussé la porte. « Merde ! » Nous y voilà. Elle se tortille - essaie du moins, tandis qu’elle peste, cherchant à se défaire du sortilège, l’angoisse venant la prendre à la gorge tandis que les secondes s'égrènent. Pourvu que ça n’impacte pas le bébé, pourvu que ça n’impacte pas le bébé, pourvu que .... Et, pire encore, elle qui voulait rester discrète, c’est évidemment raté. Comme d’habitude lorsqu’il s’agit de lui, dans les faits. Et tandis que la colère affleure, son cerveau laisse échapper une pensée dérangeante : elle espère au moins qu’il a du café de prêt. Et qu’il sera assez réveillé pour la tirer de ce merdier rapidement mais pas assez pour vouloir discuter. Voire mieux. Que ce sera une des sorcières qui viendra la tirer de là. Mais ça, elle peut toujours rêver.